10. Folle Saison
Texte écrit pour le concours
Henry Jacques Le Même
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© Jean-Christophe Brard - 2021
Entrée des Artistes
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6 novembre 2015 / Opérette
​Je me rappelle de ces sensations, lors de mes soirs de missions. J’ai commencé ce travail au cours de l’automne, à côté de mes études. De
manière quasi systématique, je me souviens de l’odeur de la ville étouffée par la brume et de la présence de cette eau noire, toute proche, en contrebas de mon parcours qui me conduit vers l’entrée des artistes. Je longe souvent ce canal, pour me rendre à mon travail nocturne, déjà en costume, avec de beaux souliers. Comme si j’étais transporté dans une Londres du XIXe siècle. Une Londres un peu effrayante mais dans un même temps, charmante et enivrante. C’était peut être mes pas sur les pavés mouillés qui donnaient
cette impression ou les lampadaires en
forme de cônes. Ou alors les sons de cloches de la cathédrale toute proche.
Il manquait seulement le bruit d’une calèche au loin. L’entrée des artistes, c’est une porte située à
l’arrière d’un immense bâtiment circulaire, au pied d’un pont. Une lumière éclaire cette petite entrée, très dramatiquement, et deux vigiles montent une sorte de garde nonchalante. Ils demandent, comme chaque soir, une pièce d’identité ou un badge plus officiel, mais laissent pénétrer, toujours, mes semblables et moi-même. Il est souvent 18h45, ou plus tôt. C’est un soir de spectacle comme un autre à la Cité des Congrès et l’insouciance est encore le maître mot.
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Foyer
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10 décembre 2015 / La Traviata
​Je suis dans le foyer du grand auditorium, de la salle 2000, comme l’appèle les régisseurs, les ouvreurs, les techniciens. J’ai du mal à contenir mon émotion après le mois que nous venons de subir. Un agent de sécurité au nom obscur de SSIAP 1, nous brief pour notre retour, sur les nouvelles consignes. Je n’arrive pas à complètement comprendre que nous serons « en première ligne en cas d’attaque et que nous avons désormais des talkies à notre disposition pour toutes urgences». Je trouve cela un peu abrupte et un peu déconcertant, surtout que le décor qui nous entoure est paré de marbre, de tentures rouges, de tapis, de bois clair, là un guichet, là un bar, là un vestiaire, une lumière tamisée… Rien à voir avec une scène d’attaque. C’est plutôt une scène de cocktail à la James Bond qui semble se profiler.
Les consignes sont dites, les derniers ordres sont énoncés et nous prenons positions. Prendre position. Il faudra changer ce vocabulaire à l’avenir. Les premiers spectateurs arrivent, ravis, habillés, « fringués » comme on pourrait dire et dévalent avec enthousiasme la rampe extérieure qui permet d’accéder au foyer. Tout le monde semble vouloir conjurer les événements passés par l’idée d’aller au spectacle. Les talons claquent sur le sol noir, frénétiquement. Ce soir, je suis au checking-billetterie, c’est à dire que je bipe et vérifie. Mais il faut également que j’indique la marche à suivre. 1er balcon, impair : sur votre gauche, deuxième escalier. Corbeille, pair : sur votre droite, premier escalier. Bon spectacle. Orchestre-bas, impair : face à vous, porte de gauche, etc.
Ces acrobaties mentales entêtantes s’opèrent pendant un bon 45 minutes et me font souvent fourcher la langue. Orchestre-chaud, pairé : face à toi, première porte. Pardon madame. C’est un concert de classique, un opéra de surcroit, il faut respecter l’esprit du moment. Malgré tout, un sourire et une légèreté à la proportionnelle inverse du briefing de tout à l’heure.
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Balcon
18 décembre 2015 / Christophe Willem
Ce soir je suis au deuxième balcon, au grand auditorium encore, avec un binôme. Je suis à l’étage des vestiaires des ouvreurs. À l’étage où donc, il n’y a pas de toilettes pour les spectateurs. Les toilettes se trouvent en bout de chaque coursive, étage 1 et 2, sauf pour
le 3. Comme on nous l’a dit en formation. Un enfer pour certains à la vessie capricieuse. Le grand auditorium, c’est simple, c’est un bâtiment rond, à 4 niveaux. Nous sommes tout le temps répartis en équipe de deux, une équipe par niveau, les soirs de spectacle. Une
équipe au rez-de-chaussée, où l’on trouve le foyer, l’orchestre bas et l’orchestre haut. Une autre équipe au 1er étage, là c’est parterre et corbeilles. Souvent, cette équipe est doublée.
Une autre au 2ème étage, c’est le 1er balcon. Et enfin, une dernière au 3ème étage, le 2ème balcon. Et là aussi, il y a une gymnastique de l’esprit pour orienter les foules. Effectivement, rien ne correspond à rien. Et l’intuition d’auto-
orientation est souvent mise à mal.
« Vous cherchez les toilettes madame? Au deuxième étage, ou si vous préférez, au niveau du 1er balcon. » Ou alors « Non monsieur, votre place est au 2ème balcon, au 3ème étage, pas au 2ème. Là, vous êtes au 2ème. » Bref. Un petit
casse-tête pour les visiteurs parfois un peu perdus. Je sens que mon rôle est important.
Corbeille pair
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8 janvier 2016 / Concert de l’ONPL
C’est une nouvelle année qui débute. Avec elle, le lot des futures manifestations à la Cité et donc de mes missions. Elles ne sont pas toujours passionnantes, mais parfois elles
sont drôles, évidemment. Je me souviens d’un concert de Patrick Bruel, par exemple. J’étais au niveau de la corbeille paire, salle 2000
encore. Et j’avais la tâche d’être à l’intérieur pendant le concert afin de m’assurer du bon déroulement de celui-ci : informer le PC sécurité d’éventuels malaises, éviter les sorties intempestives, arrêter les prises de
photographies avec les téléphones portables ou empêcher des strapontins de casser sous l’effet d’un trop fort enthousiasme. Il va sans dire, que le public était déchaîné et mes petites mamies de la corbeille, étaient sous
le charme de « Patriiiiiiick ». J’entends encore ces dames hurler : « Le son est super! », « Il n’y a pas d’écho! C’est dingue vu la taille de la salle » « Il est trop beau sur scène! ». Et moi, de leur répondre à l’intérieur de ma tête : c’est
normal, l’acoustique de la salle a été étudié et les murs en béton ont été bouchardés. Donc n’importe quel chanteur peut s’égosiller, le son sera toujours de qualité. Même avec un
Patrick. Je n’ai aucun mérite à connaitre tout cela, j’avais choisi la Cité des Congrès comme sujet d’étude lors de ma première année à l’école d’architecture de Nantes. J’aurai pu faire des visites guidées du site, tout en indiquant les toilettes ou la place D14, en
corbeille paire, comme ce soir du concert de Patrick Bruel.
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Bref. En ce jour de nouvelle année, je vais être ouvreur pour un concert intéressant de l’ONPL (L’Orchestre National des Pays de la Loire) : un visionnage en concert live du film de Fritz Lang, Métropolis. Un film qui,
je trouve, ce soir là, résume parfaitement ce qu’est la Cité des Congrès. C’est à dire, un élément urbain, encore plus urbain que
l’urbain lui-même. Une ville dans la ville. Une fourmilière dans une fourmilière. Comme Métropolis, qui base sa cinématographie sur une accumulation des couches urbaines. On se déplace dans la Cité en empruntant des coursives, des couloirs, des passerelles,
des mezzanines, des passages souterrains. Les bureaux donnent sur un grand espace intérieur, comme un hall de gare: la grande halle. On descend et remonte des escalators. On utilise des pompes à eau en souterrain, pour empêcher le bateau-cité de couler, du
fait de la présence de la Loire et du canal. Il y a les espaces techniques, la cage de scène immense, comme un gratte-ciel. C’est une usine, c’est une ville, c’est un lieu de passage.C’est une cité, comme son nom l’indique. Et
je trouve que le film Métropolis, ce soir-là diffusé, a parfaitement compris qu’il faisait partie d’une mise en abîme in situ, puisque diffusé dans une mini-Metropolis. Le concert fut un succès, l’ONPL fait salle comble.
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Coursives
3 février 2016 / La Folle Journée
Le bâtiment le plus proéminent et le plus
repérable de la Cité c’est donc ce grand
auditorium, où je suis en train de mettre mon costume et ma cravate rubis. Aujourd’hui, débute le plus gros événement de l’agenda culturel ici, la fameuse Folle Journée de Nantes. Il y a des affiches de ce festival de musique classique jusque dans le métro
londonien, dit-on. Je suis ravi depuis quelques mois, de faire partie du coté coulisse de la Cité des Congrès mais participer au déroulement de ce festival m’excite encore plus. En descendant des vestiaires pour aller rejoindre mon poste, je passe par les galeries-coursives transparentes de la salle 2000 qui offre au spectateur-pratiquant un point de
vue unique sur le centre-ville. À l’inverse, elles permettent au badaud des bords du canal Saint Félix, d’observer la foule qui se presse à l’intérieur les jours de spectacle. Pendant la Folle Journée de Nantes, les coursives sont tellement pleines à craquer, que le spectacle
se joue aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle. Nous, ouvreurs, avons dix minutes entre la fin d’un concert et le début du suivant
pour faire sortir 2000 personnes et les
remplacer par 2000 autres. 1971 personnes très exactement, mais par convention il est toujours dit 2000. Des charters entiers de spectateurs, affolés à l’idée de rater le concert d’après en salle « Schubert », qui veulent se précipiter sur leurs places, attribuées, numérotées, réservées, comme si
elles allaient s’envoler ou être volées. Le rôle d’ouvreur devient alors celui d’un surveillant dans une école. Ou d’un commandant sur un navire en pleine mutinerie. Les talkies résonnent souvent pendant ces instants d’attente fébrile et si un spectateur a le bonheur de déchiffrer dans les grésillements
un « Go pour 2000! » d’un régisseur plateau, il provoque un mouvement de foule qui est aussi effrayant qu’un troupeau de pachydermes fuyant un danger. Tout cela on me l’a raconté,
bien sur. Et je m’apprête à le vivre pendant 4 jours. Je suis affecté à l’auditorium sur le planning. Je vais comprendre de mieux en mieux, je crois, pourquoi des types ont appelé
ça, la Folle Journée.
Grande Galerie
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15 au 16 avril 2016 / Congrès Estée Lauder
Pendant la Folle Journée, la grande galerie, le passage souterrain qui relie grand auditorium et grande halle, est l’espace d’attente pour la salle 2000 et la salle 800, rebaptisées pour l’occasion Tchaikovsky, Beethoven, Mozart, Handel, selon la thématique. C’est un espace
donc bondé et impraticable. Un espace de liaison, d’affalements sur les canapés en velours rouge, d’attentes interminables. Mais le long de cette galerie, en face à face, se trouve un éclairage zénithale, très apaisant, affublé d’une forme de bar et un très long vestiaire utilisé lors des congrès. Des espaces non remarquables pendant la frénésie du festival de musique classique, ou d’autres événements d’ailleurs mais lorsque cette galerie est dégagée et qu’un congrès a lieu, l’espace devient alors le théâtre d’une toute
autre activité qui n’a rien à voir avec l’attente. La galerie se met à raisonner, à interagir.
Dans la nuit du 15 au 16 avril, je suis pour
la première fois hôte d’accueil vestiaire.
Toute une nuit. Mon shift commence à
23h et s’arrêtera à 5h. Le concept de la
soirée? Redonner les effets personnels de congressistes, qui en ce moment même, dînent dans la grande halle, avec en concert le groupe Boney M.
Le vestiaire est en marbre blanc et plusieurs salons, avec les fameux
canapés rouges sont face à nous. Tout est calme. Les premiers participants au congrès qui décident de partir sont plutôt honnêtes, polis et sympathiques. Ils repartent vers le foyer de l’auditorium, afin d’emprunter la rampe. L’orientation est simple, limpide.
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Dépassé 3h du matin, le vrai spectacle
commence. Une faune avinée commence
à réclamer écharpes et manteaux, parfois
mêmes valises, au grand désarroi d’avoir
perdu leurs voyelles. S’en suit alors un ballet sans fin d’allers et retours entre les rayons de manteaux, à la recherche du sac à main rouge, de l’écharpe en laine, de l’attaché-case bleu nuit ou de la valise à roulette noire. Résonne alors « Daddy Cool », comme un écho éloigné au bout d’un couloir de métro. On lâche soudain ses vêtements que l’on s’apprêtait à enfiler et on les laisse sur le comptoir en
marbre. On retourne à la fête en hurlant «She’s crazy like a foooool». On espère sans doute que l’hôte ou l’hôtesse saura reconnaitre le congressiste à la fin de la chanson. L’espace ici-bas devient un couloir de métro en heure de pointe où défilent les âmes perdues de la soirée, cet homme à la recherche de sa veste,
cette jeune femme avec chaussures à talon à la main, ce cadre-supérieur avec cravate sur la tête, ou ce groupe de jeunes gens qui porte le collègue endormi; il y est allé un peu fort.
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En vrai, ça a l’air sympa les congrès.
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Escalators
21 avril 2016/ Thomas Dutronc
Pour une fois, j’ai une mission en salle 800. Une salle beaucoup plus petite avec deux entrées, sur le côté, en haut de celle-ci. Fauteuils pairs, fauteuils impairs: sur votre droite, sur votre gauche. Lorsque l’on est à la billetterie, l’aiguillage du spectateur est plus simple. Pour une mission comme celle-ci, c’est une équipe réduite de 4 ouvreurs et un responsable qui est nécessaire. Un petit
comité prêt à accueillir le public, à la sortie de la grande galerie et de l’accès à la grande halle. C’est une rotule ici. Un point clé où il a été installé un bar, qui je pense ne sert jamais. Qui semble toujours en jachère. Il y a de nombreux espaces comme celui-ci dans la Cité. Dans des
niches, des creux, ou des recoins mais qui sont inutilisés. Des espaces qui semblaient avoir un propos au début des années 90 mais dont la notice a été perdue ou oubliée. Les espace-
bars placés au bout des coursives du grand auditorium semblent suivre la même logique: en jachère. " Bonjour monsieur, excusez moi, voici votre billet, l’entrée est sur votre gauche."
L’affluence est tellement plus diminuée en salle 800 que mon esprit vagabonde plus vite. Cette sculpture de lapin au tambourin qui trône ici, semble indiquer le début d’une représentation, ou alors d’orienter tel un policier sur un plot, les spectateurs désorientés. Il tambourine tellement fort qu’il me sort de ma torpeur un instant.
Ce sont les escalators qui mènent à la
grande halle qui viennent de démarrer. Ils ne démarrent que si quelqu’un monte dessus. Je me demande si il y a un préposé au PC sécurité qui doit appuyer sur un bouton à chaque fois qu’un mec décide de monter dessus, sachant
qu’en plus, il y a des escaliers juste à côté.
On parle de quelques marches seulement. Les escalators semblent anecdotiques mais donnent sans doute à la Cité son caractère international. J’ai dans la tête le sketch de la série Palace, celui du grand escalier qui tombe
en panne. Les clients coincés sur les marches. Si ça se trouve c’est déjà arrivé ici aussi, et plus personne ne prend les escaliers depuis, tout le monde préfère les escalators parce que eux, au moins, ils sont fiables. Mon esprit divague beaucoup trop en salle 800. Il ne faut plus que j’accepte de missions
pour cette salle.
Grande Halle
5 et 6 mai 2016 / Congrès
fédération française du don du sang
De nouveau un congrès mais cette fois-ci de jour, à l’accueil, afin de vérifier badges et indiquer vestiaires, stands numéro tant, espace de restauration, toilettes, pôle numérique, espaces wifi et autres services. La vérification est facile, efficace. Nous sommes
toute une équipe à faire face à cette immense verrière de lumière qui en impose, et qui illumine cette cathédrale qu’est la grande halle. Elle ressemble vraiment à une cour intérieure, une cour couverte, à l’instar de la galerie Umberto Ier de Naples. Des fenêtres de bureaux, côté ouest, qui donnent sur la grande halle et des fenêtre de chambres
d’hôtel, côté est, voilées pudiquement. Vue extérieure ou grande halle? Les techniciens s’en contrefichent, les « novoteliens » doivent s’interroger deux minutes au comptoir de l’hôtel, je pense. Dans cette halle, je crois que le leitmotiv de l’architecte Yves Lion, a été la
lumière, partout. En zénithal, en traversant, en second jour, en rupture et en artificiel. La lumière, la lumière, la lumière.
Comme une forme de contrepoint aux salles obscures qui lui ont été demandées de dessiner, où cette
lumière ne devait en aucun cas filtrer. C’est assez réussi je trouve puisque cet espace suit les 4 saisons de Vivaldi : il est baigné de lumière et assez tempéré en saison d’été, grâce au brise-soleil de la façade sud notamment. Il est
teinté d’une lumière froide et principalement venant du nord/nord-est, en hiver. "L’espace wifi se trouve sur votre droite monsieur, en dessous de la mezzanine."J’en oublierai presque de faire mon travail correctement.
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Un des éléments architecturaux parmi le plus réussi de cet espace reste cette ouverture sur deux niveaux, côté est, qui relie visuellement la grande halle avec l’auditorium. Les deux corps de bâtiment, en surface, sont posés, l’un à côté de l’autre et sont reliés physiquement par la grande galerie souterraine. Mais je pense
que par souci de fraternité, ou de sororité ; le grand auditorium, masculin, la grande halle, féminin, avaient besoin de se regarder, de se voir, de se contempler. En tout cas, c’est ce
que je fais en regardant ce type à travers cette ouverture, depuis la grande halle, déambuler dans une des coursives de l’auditorium, à la recherche des toilettes, d’un bar ou d’une rencontre. Il s’arrête et nos regards se sont croisés.
Je ne le reverrai plus. C’est dommage
mais au moins ce choix architectural a permis cette rencontre visuelle éphémère.
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Côté jardin
9 juin 2016 / Zazie
Retour au grand auditorium, pour une
dernière mission à la Cité pour la saison
2015-2016. C’est un concert de Zazie ce soir, c’est une chanteuse que j’aime bien mais aller travailler alors qu’il fait encore jour et que tout le monde est au bord de l’Erdre à boire des coups, c’est assez frustrant, surtout après l’hiver tendu que nous avons vécu. Ce soir-là je suis au 1er étage, parterre et corbeilles donc, côté impair. Visuellement je surplombe
l’espace paysagé qui sépare la grande halle de l’auditorium et mon regard porte à peine jusqu’à l’autre rive du canal Saint Félix. Les platanes arrêtent très vite cette perspective. Peu importe, le concert commence, je ne suis
pas à l’intérieur de la salle, je suis entouré par la nature. Et mes yeux divaguent. J’aperçois une fenêtre du Novotel d’où un rideau blanc
s’échappe, porté par le vent printanier.
J’entends le bruit à peine perceptible de ce scooter qui passe en bas, rejoignant le Lieu Unique sans doute ou le centre-ville.
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Soudain je les aperçois en bas, sur l’herbe. Ces amoureux en plein ébat, cachés derrière de maigres buissons. Entendons-nous, ils restent chastes, mais les mains sont baladeuses et les
baisers enflammés. Elle est à califourchon, elle est sublime. Il est allongé dans l’herbe, il semble gentil et fort. Ils s’aiment à la folie dans
cette chaleur retrouvée. Ils s’embrassent
et rient, en sourdine. L’acoustique est
impeccable, vraiment. Je suis empli d’une joie immense qui bizarrement est incarnée par ce moment de voyeurisme compulsif. En même temps, je me dis qu’avoir choisi l’endroit le plus exposé de Nantes, un soir de concert, démontre simplement une chose : vouloir
partager un instant d’amour en se fichant du quand dira-t-on. Ils me voient, m’envoient un sourire, je suis gêné, je recule. Je ris seul dans cette coursive.
C’était un instant de vie.
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Et c’est pas mal la vie. J’irai boire des coups plus tard et j’embrasserai quelqu’un moi aussi. C’était une belle saison à la Cité des Congrès.
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Fin de contrat.
Intégral du
texte, ici